Zéropolis

Exposition Webscope, galerie Houg, Lyon 2014

le Shoot !t de As Animals, avec une fierté sans bornes.

Un moment unique dans l'exposition Webscope de Patrice Mortier à la Galerie Houg

WEBSCOPE


Longtemps considérées comme des techniques parallèles à sa production picturale, l’aquarelle et l’encre sur papier sont progressivement devenues pour Patrice Mortier des moyens d’expression à part entière, relevant deux défis : l’un actualiser une technique

passant pour désuète, l’autre, pervertir l’usage de cette peinture douce et délicate.

 

Un peu à l’écart des courants artistiques dominants dès la Renaissance, l’aquarelle a longtemps été réservée aux études préparatoires, accompagnant les explorateurs dans leur découverte de nouveaux territoires. Utilisée pour les paysages, les sujets de genre

ou naturalistes, ce n’est qu’au XIXème siècle qu’elle prit une dimension nouvelle avec les peintres romantiques mais aussi les Impressionnistes et les modernes qui l’appréciaient pour sa spontanéité et sa fraicheur.

 

L’usage qu’en fait Patrice Mortier est bien différent. Loin du croquis et du travail sur site, l’artiste parcourt le monde depuis son atelier, via le Web, ceci dès la fin des années 1990. Baigné dans un flot continu d’informations et d’images médiatiques, il puise ses

sujets dans une actualité brûlante, voire bruyante, entre les guerres, les revendications, les répressions, les éclats… de voix, d’obus, de violences – brutales ou sourdes -.

 

Parmi ces milliers d’images, et grâce au webscope, un choix s’impose. D’une efficacité visuelle parfois proche du Street art, d’une richesse de composition où les tensions touchent à leur paroxysme, l’image peut également être neutre, a priori dénuée d’intérêt, et ne racontant une histoire que par sa proximité avec d’autres, espace d’apaisement et de décantation quand trop d’émotions se bousculent et s’entrechoquent.

 

La singularité de son travail tient dans cette rencontre entre la technique de l’aquarelle, que l’on pourrait à première vue qualifier de désuète et nostalgique, et une démarche rigoureusement contemporaine. Hors d’un propos documentaire, sa pratique se rapproche davantage d’une chronique intime, d’une exploration du temps et de l’impermanence des choses.

 

L’artiste suit alors le même processus que pour ses tableaux : déconstruction et reconstruction de l’image par le biais de l’informatique, des teintes qu’il fait monter progressivement, mathématiquement. L’image se disloque, se dissout, s’abstrait. Elle se recomposera par strates superposées, grâce à la peinture, par le jeu des densités et des lumières, l’image revient à la surface, vibrante et percutante. L’aquarelle reprend ses droits et ses qualités, ramenant de l’humain, du sensible, dans un contraste saisissant et décalé,

tant avec le sujet qu’avec le processus de création.

 

Certaines oeuvres semblent traduire une menace latente sans que celle-ci soit clairement identifiable, d’autres au contraire, nous plongent directement au coeur du drame et du combat. Si violentes soient-elles, ces représentations nous sont étrangement familières. Issues d’une production hyper médiatisée de l’actualité, nous ne les voyons plus alors même qu’elles inondent nos écrans.

 

Patrice Mortier nous interroge sur l’impact de ces images et ce qu’elles représentent, il les détourne pour en faire un sujet de peinture,

passant du paysage à la scène de genre, de la scène de genre à la scène de guerre, une guerre d’images, images d’une guérilla urbaine transposables d’un point à l’autre du globe. Sa peinture ne se veut pas plus politique qu’engagée, elle renvoie la violence banalisée par les médias à un sujet pictural dont les contours vaporeux et incertains interpellent notre regard.

 

 

Cécile Fromont, 2014

Webscope
Catalogue de l'exposition
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